La lutte glaciale – Elodie Malval

L’air était glacial et le froid me faisait horriblement souffrir, pire il me brûlait les mains. Le vent, sifflant particulièrement fort, venait me couper la respiration. La neige crissait sous chacun de mes pas. Je me dis alors que désormais, je ferai mieux de m’habituer à vivre dans de telles conditions climatiques. Auparavant, je ne redoutais pas le grand froid. Toutefois,  c’était impossible de ne pas  craindre celui-ci.

A de multiples reprises, je dus dégager mes jambes qui s’empêtraient dans des congères.

J’observai attentivement les autres personnes, et aucune ne parlait depuis que nous avions commencé à marcher. La souffrance se ressentait sur leurs visages.

Plusieurs générations étaient représentées, des plus jeunes au moins jeunes. J’essayai alors de m’imaginer pourquoi elles étaient ici. Cela m’aidait à tenir. Je pensai à autre chose, qu’à mon corps endolori l’espace de quelques instants.

La douleur était maintenant devenue insoutenable, il ne restait pourtant plus que quelques kilomètres à parcourir.

-Vous nous aviez dit que le chemin durerait moins d’une heure ! Cela fait plusieurs heures que nous marchons sans nous arrêter.

L’homme me regarda alors froidement et me répondit sur un ton méprisant

-Cela fait à peine quarante minutes que nous marchons !

Quarante minutes ? Comment était-ce possible ? J’avais pourtant l’impression qu’une éternité s’était déroulée. Je m’efforçai d’être fort, mais j’eus beaucoup de mal. Soudain, je m’aperçus que je ne ressentais plus cette atroce sensation de brûlure aux mains. Je les regardai alors, elles étaient à présent toutes bleues. Je me rendis compte, qu’en réalité, ce n’était pas les brûlures que je ne sentis plus, mais mes mains. En revanche, cette douleur aiguë aux oreilles était toujours là. J’avais l’impression que l’on m’enfonçait des aiguilles au plus profond de mes tympans. Je m’adressai de nouveau à cet homme, qui me paraissait tyrannique.

-Je ne sais pas si je pourrai tenir encore bien longtemps…

-Ce n’est pas mon problème ! Me répondit-il agressivement.

Tout le monde me dévisagea.

-Tu dois être fort, tu dois être fort… me répétai-je en boucle.

Peu à peu, je commençai à ne plus éprouver de sensation de froid, ni aucune autre. Mes muscles furent dès lors paralysés. Je jetai un coup d’œil aux autres : la plupart avait leurs lèvres bleues et leurs visages étaient aussi blancs que la neige. Tentaient-ils eux aussi de penser à autre chose ?

Je m’écroulai subitement, sous les regards vides des autres prisonniers.

-Il est mort ?

-Je vais vérifier

L’homme se dirigea vers moi, pour contrôler mes pulsations cardiaques. Un cri essaya de sortir de ma bouche. Cependant, avec le bruit du vent qui se déchainait, personne ne l’entendit. Mon cœur était très faible certes, mais il battait encore. L’homme tenta en vain de trouver mon pouls. Son doigts parcourut les veines de mon poignet.

-Je ne trouve pas son pouls… Je pense qu’il est mort. Nous ne pouvons pas attendre plus longtemps. Nous devons parvenir au camp avant la tombée de la nuit.

Je voulus hurler, me faire entendre. Cependant, plus aucun son ne réussit à sortir. Je les regardai alors s’en aller. Ils continuèrent d’avancer sans moi. Je sus pertinemment qu’il n’y avait plus d’espoir pour moi. J’allais m’éteindre là, perdu au milieu de l’immensité sibérienne. Une fois que tous les hommes furent sortis de mon champ de vision, je ne vis plus que la neige. Celle-ci brillait. Elle me semblait, soudainement, plus belle que jamais.

Ma mort était toute proche et elle allait abréger mon calvaire. Au fond ne me sauvait-elle pas ? J’échappai ainsi aux durs travaux forcés qui m’attendaient. Le goulag n’aurait pas l’occasion de me connaître.

A cet instant précis, plus aucune douleur ne pénétra mon corps. Celui-ci était tellement engourdi par le froid, qu’il était incapable de ressentir quoi que ce soit.

Extrait du recueil de nouvelles à chute « l’échappatoire de l’âme » (bientôt disponible à la vente).

© 2016 Auteur Elodie Malval. Tous droits réservés.

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2 Commentaires
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Bruno Bubune
Membre
3 février 2017 11 h 07 min

Coucou Elodie, ton texte est poignant, et noir , autant que la neige est blanche …

Bises

Bubune