La grive des premiers givres – Christian Satgé

Petite fable affable
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Les grives, bêtes voyageuses
Sont, passant chez nous, vendangeuses.
Et n’est rien n’irrite plus nos paysans.
Mais, las, bien rares sont ceux qui vont brisant
Les ravages de ces oiselles
Quittant frimas à tire d’elles.
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Pourtant gobant muscat, becquetant chasselas,
Elles finissent par avoir ventre gros et gras :
C’est à la nuit que leurs vendanges
Sont faites. Vite. Et l’aube orange
Ne voit plus que leur envol pour des climats cléments
Et le désespoir de vignerons véhéments.
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Or, une de ces demoiselles
Manquant de courage ou de zéle,
Partit tard des terres où le froid givrait le sol,
Laissant toute bête sur sa faim, sans un sol.
Elle arriva chez nous en octobre.
Plus de raisins. Elle fut sobre.
Déjà amaigrie et fatiguée, elle reposa
En un hallier où trébuchet, sans visa,
L’envoya dans un autre monde,
Régalant rustaud à la ronde :
Elle était arrivée trop tard pour le festin,
Et partie trop tôt accomplir son vain destin.
.
S’il vaut bien mieux arriver une minute
En retard ici-bas, qu’une seconde trop tôt 
Outre-tombe, sans espérer de chappechute,
Sachons faire les choses ni avant ni tantôt.
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© Christian Satgé – Décembre 2020

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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