La cacophonie du Covid – Marie-Thérèse Vinoy

On connaissait la colocation

On pratiquait le coworking dans un esprit collaboratif

Et surtout le covoiturage

Pour éviter la cohue et les correspondances

Dans les transports en commun

On commençait sa journée en buvant un café corsé

Ou du coca avec les collègues

On déconnait avec les copains devant un cocktail

En fin de compte, certains mouraient de maladies coronariennes

A un âge quasi canonique

 

Puis tout d’un coup, quelque chose s’est coincé, s’est disloqué

On a dû cogiter, inventer de nouveaux codes

Chacun est rentré dans sa carapace ou dans sa coquille

Comme à l’époque du choléra

Les jeunes ont rejoint leur famille

Les chambres d’étudiants sont vides

Les gens sont devenus livides

Les aliments sont insipides

On ne fête plus Pâques, Yom Kippour ou l’Aïd

Les seniors sont au bord du suicide

C’est à cause du Coronavirus

Communément appelé Covid

 

Le Covid, késako ?

C’est un virus coriace et perfide

Qui s’attaque au quotidien

A l’homme et à l’économie

Et se transmet comme une coqueluche

On a peur d’être contaminé

A l’hôpital c’est le cauchemar

Les malades s’entassent dans les corridors

Il leur faut de la cortisone

Beaucoup sont dans le coma

Les soignants ont besoin de décompresser

Il n’y a plus de cortèges pour les corbillards

Le corps médical est en désaccord

Sur les protocoles, la chloroquine, les anticorps

Les anticoagulants, la transmission féco-orale

Les controverses scientifiques sont déconcertantes

 

Les recommandations ne suffisent plus

Le Conseil d’Etat a validé des mesures draconiennes

Les commerçants sont en colère

On doit commander les colis en click & collect

Les GAFA sont dans le collimateur de la Commission européenne

Tous les business sont KO, même celui de la cocaïne

Pourtant le Ministère de l’Economie accorde des aides compensatoires

Et octroie des avantages fiscaux

La dette publique bat des records

L’Etat paiera quoi qu’il en coûte, a dit Macron

Le discours politico-social ne paraît pas cohérent

Cela manque de coordination

Les sorties sont codifiées

Il faut cocher la case correspondante

Emporter son gel hydro-alcoolique

Et éternuer dans son coude

Seuls les restos du coeur continuent de fonctionner

Beaucoup ont dû vider leur Codevi pour faire face au Covid

Les conséquences sont colossales

On consulte le Professeur Caumes

On alterne entre confinement, couvre-feu et quarantaine

Mais est-ce assez coercitif ?

On communique par conf calls

On est tous hyperconnectés

Les call-girls et les escorts ne peuvent plus racoler

On ne peut même plus copuler,

Pourtant les sites de rencontre explosent

Car, paradoxalement, selon SOS cocu,

le huis clos ne favorise pas les couples

Certains en profitent même pour cogner leur conjoint

 

On ne peut plus aller à la chorale ni en disco

On ne peut plus acheter ses cosmétiques chez KIKO

Les avions ne décollent plus pour Frisco

Alors pour éviter la mélancolie, on range nos commodes

On collectionne des bricoles

On refait la déco, on se remet au tricot

On achète des magazines de psycho

On écoute Juliette Gréco ou Nabucco

Les musiques d’Ennio Morricone

On regarde le DVD de Coco

Des films comiques ou cochons

Les sketches corrosifs de Coluche

On concocte des plats en cocotte,

De l’osso bucco, du poulet coco

On redécouvre la confiture de lait

Du Cotentin ou du pays de Caux

On se rue sur le KFC, les malakoffs

Sans se soucier du cholestérol

On apprend à faire l’okonomiyaki

Les nouveaux chefs au col tricolore

Préconisent des produits locaux

Mais les menus conseillés sont discordants

Le chocolat Tulakalum y côtoie l’huître de Prat-Ar-Coum

Pour arrêter la nicotine, on prend un coach ou un tabacologue

On taille nos cotonéasters

On ressort les Claudine de Colette

On achète le dernier Coelho

On lit la Bible ou le Coran

Les Colchiques d’Apollinaire

Les chaises de Ionesco

Entre l’absurde et le cocasse

On s’inquiète des déserts médicaux

De la disparition des koalas et des coraux

On visionne une expo sur la grotte de Lascaux

Ou sur le style rococo

On se passionne pour le cosmos

On s’intéresse à Cuzco

Reconnu au patrimoine mondial de l’UNESCO

On aurait pu s’inscrire à l’INALCO

Les reportages colorés de la télé

Nous conduisent vers Cozumel

Ou dans le Transcantábrico

On regarde encore Cyril et Mercotte

On est toujours accros à Koh Lanta

Mais pas comme avant

 

Les communistes font grise mine

Christophe, l’écorché, a succombé

Il ne chantera plus à cor et à cri “Aline”

Tandis que chez Corinne

Le coq Maurice ne fait plus cocorico

Il est mort du coryza pendant le confinement

Au pays des cowboys, on boycotte nos alcools

On complète sa collection de colts

Les élections américaines ont des airs de Comédie humaine

Il faut recompter les votes par correspondance

Dans le Connecticut ou le district de Columbia

Giscard nous a quittés pudiquement

Son “au revoir” s’est commué en adieu

Fini les causeries au coin du feu

Et les accords d’accordéon

 

D’aucuns ont des propos caustiques,

Ils ne croient pas aux coïncidences

Ils ne veulent pas être contrôlés

Ils sont convaincus d’une collusion

Ils parlent de complot

Ils craignent même les cookies et les compteurs Linky

Ils colportent des rumeurs

Cela corrobore les thèses de collapsologie

L’appli Anti-Covid n’a pas la cote

Sauf en Angleterre et en Ecosse

On appelle au secours, on déclenche nos balises de détresse

Comme le skipper Kevin Escoffier

Contraint d’abandonner son monocoque

Dans le courant circumpolaire des quarantièmes rugissants

Alors comment s’en sortir ?

On aurait dû copier l’exemple de la Corée

 

Les écoliers continuent d’apprendre les cosinus au collège

Les profs corrigent toujours des copies

Mais ils doivent rester consensuels

Et faire preuve d’une extrême précaution

Sous peine de se faire couper le cou

Après plusieurs fiascos,

La dernière otage est rentrée sans rancœur de Bamako

Elle souffre incontestablement du syndrome de Stockholm

Malgré des dispositifs prophylactiques considérables

Les restaurants et les troquets sont suspectés de créer des clusters

Et qu’en est-il des lieux de culte ?

La culture est occultée, les cordonniers sont fermés

Tandis que le bricolage est autorisé

Dans les quartiers, on fait du troc, on polémique sur les crop tops

Les policiers sont écœurés, ils dénoncent le cop watching

Ils récusent les accusations de discrimination à l’encontre des non caucasiens

Les black blocs s’incrustent dans les clans, provoquant des castagnes

Mais qui sont ces casseurs qui attaquent les keufs ?

Il est temps de réconcilier les communautés

Mais il faut du concret, on ne s’accommode plus de communiqués

On est consternés, alors on a recours à la méthode Coué

Pourtant un miracle nous a scotchés

Le pilote franco-suisse dont la voiture s’est télescopée

Est sorti indemne du cockpit

 

La justice a repris son cours, les procès ont recommencé

Sarkozy et ses acolytes comparaissent devant le tribunal correctionnel

Pour une affaire d’écoutes et de corruption en connexion avec un poste à Monaco

Ils pourraient écoper de plusieurs années d’incarcération

A Moscou la fusée de Korolev a été recyclée en vaccin :

Le Spoutnik-V est prêt à décoller

Les pangolins sont de nouveau massacrés par les braconniers

Les cotations en bourse continuent

Les conifères sont toujours prisés pour Noël

La France reconnaît son passé colonial

On n’a plus peur de faire son coming out

Mais on ne fait plus rien en commun

On ne parle plus aux voisins

On ne se serre plus la main

On ne voit plus les copains

Il n’y a plus de câlins ni de regards coquins

On ne pense plus au lendemain

Putain d’année 2020 !

Chacun reste dans son coin

En attendant le vaccin

Car on a peur des porteurs sains

Il faudrait recréer du lien

 

Le vaccin nous libérera-t-il de toutes ces corvées

Aura-t-on bientôt l’immunité collective

Il ne faut pas rater le coche

Souhaitons que tout le monde coopère

Mais certains ne veulent pas faire preuve de cohésion

Ils se méfient des nouvelles pharmacopées

Ils craignent d’être des cobayes

Et réclament des compléments d’études toxicologiques

De toute façon, il y aura des quotas

En fonction des scores de co-morbidité

Ça ne changera pas illico

Comme un coup de sirocco

Mais il faut quand même dire banco

 

Un jour viendra où l’on pourra sortir de son cocon

S’asperger de Coco Mademoiselle,

De Lancôme ou de Paco Rabane

Rêver d’un pays de cocagne

Reprendre les cours de flamenco

Retrouver nos connivences

Se rencontrer dans une brasserie art déco

Revoir des endroits bucoliques

Le lac de Côme et le Connemara

La petite sirène de Copenhague

Les chorégies d’Orange

Et pourquoi pas Acapulco

Ou la plage de Copacabana

Tu m’offriras un collier de coquillages

Un masque en silicone, des palmes et un tuba… coudé

Tu sécheras mes larmes de crocodile

On sirotera une piña colada

Accompagnée d’un churrasco

On se cotisera pour les favelas

On priera le Christ du Corcovado

Les enfants retourneront en colo

Les pigeons seront appelés colombes

Francis sera de nouveau notre icône,

Pas Coppola…

Mais… celui des cocottes en papier

Des éclats de rire

On parlera du Covid au passé

Et on s’aimera encore et encore

Dans un merveilleux corps-à-corps

On s’aimera, d’accord..d’accord

 

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Marie-Thérèse Vinoy

Marie-Thérèse Vinoy (15)

Dans mon enfance, j'aimais réciter des poèmes. Après un bac scientifique, je me suis laissée influencer par une professeure de lettres et, au lieu de faire des études de langues comme je le souhaitais, j'ai opté, sans grande conviction, pour des études littéraires. Si celles-ci ne m'ont pas aidée directement dans mon choix de carrière, elles m'ont toutefois donné l'envie d'écrire à ce moment-là, notamment des poèmes mélancoliques, au gré de mes déceptions amoureuses et de mes frustrations.
Ensuite, la vie d'adulte et ses préoccupations diverses, les contraintes professionnelles et familiales m'ont éloignée de cette voie pendant de nombreuses années. Je n'ai plus écrit qu'à de rares occasions. Puis, récemment, la conjonction du confinement et de la découverte de poètes latino-américains dans le cadre d'un cours d'espagnol, m'ont redonné l'envie d'écrire.
A part la poésie, j'affectionne particulièrement les voyages. J'apprécie les félins, l'art nouveau, les grands airs lyriques et aussi la danse, bien que je ne sois pas très douée dans ce domaine. J'aime également jardiner et élaborer des plats ou des desserts à la fois savoureux et esthétiques, ainsi que des cocktails.

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Plume de Poète
Administrateur
1 janvier 2021 17 h 42 min

Merci pour cette belle introduction Marie-Thérèse !
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