La belle de Pigalle – Anne Cailloux

Sous un éden artificiel, la divine se déhanchait

belle comme le jour quelle ne voyait jamais

ses bas coutures ensorcelaient même la lune.

Elle traînait son spleen sur le bitume

le dissimulant sous un air de bonheur

promettant d’offrir bien plus que cela

illusion tangible ”poudre aux yeux”

”foudre au pieux”

aussi réelle que ”fille de joie”

que ses hommes acceptaient l’espace d’un instant.

 

Février faisait frissonner sa peau, ses maux.

Le vent décoiffait ses espoirs et son capital

s’engouffrant dans son porte jarretelle

lui offrant la chair de poule…

Pas un chat, le moins quinze et le cinq heures de mat

avaient refroidi toutes les envies.

 

Mais ses envies à elle

n’étaient pas les mêmes que les siennes à ” LUI ”

elle n’avait pas le même tarif, la même compté.

Les mots soufflés entre deux raclées

lui insufflaient le courage qu’elle n’avait plus.

Elle ne devait pas partir

une main devant, une main derrière

comme disait son julot.

Les bleus du corps se cachaient

dans la pénombre de la nuit

les bleus de l’âme se réfugiaient

derrière son sourire.

 

Écorchée vive, elle donnait gratuitement

sa tendresse à tous ses clients

ça c’était cadeau et c’était du vrai…

Au loin la brigade des mœurs

venait chambrer un peu les filles

des rires, un respect mutuel sans équivoque.

La divine passera plus de temps ici à leurs côtés

qu’avec ” LUI ”.. grâce à Dieu.

 

Enfin, un visage connu, un habitué

cet homme trompait son épouse

mais quand la divine n’était pas là,

il rentrait chez lui, fidèle à la belle de nuit.

Incompréhensible…

Ses hauts talons résonnaient aux rythmes des clients.

Un sourire complice

et la divine se déhanchait de nouveau

devant la vision hypnotique du client.

Elle commença sa danse dans un mélange

de fantasme pour les uns

et de femme de mauvaise vie pour les autres.

 

En guise d’au-revoir

Un geste de tendresse pour cet homme

que sa femme négligeait

un ” A bientôt ma douce ”

lui redonna le moral.

 

Au loin arrivait le videur du cabaret

”le lapin agile”

le bon copain qui l’attendait

pour le petit-déjeuner du matin.

Amitié, amour jamais avoués

Elle était à lui l’espace d’un instant

la vrai, sans rouge à lèvres

juste avec ses yeux bleus

qui déteignait sur ses pommettes…

 

Soupirs de plaisir, enfin un moment vrai

où la belle va retirer son masque

où la belle va redevenir Virginie

avec son jeans et son pull en laine

tricoté par sa mère.

Fille de joie, quelle drôle de nom…

Á… toutes ces filles que j’ai connues en habitant Pigalle

à toutes ses soirées passée avec elles, à rire,

à écouter leurs malheurs.

Á celles qui ont eu la chance de s’en sortir

à celles qui sont restées au coins de la rue là-bas dans l’ombre

et à celles, qui ont laissé leurs vies…

 

©Anne Cailloux

Les prostituées sacrées étaient considérées et respectées. Mais avec l’église vint la suppression et la commercialisation au profit des proxénètes, et non pas du leur. La prostitution est une “vie indésirable” chez nous mais pas au Japon. La dégradation des prostituées est inversement proportionnelle à la rigueur morale d’une société.

Bertrand Russell..

 

 

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Anne Cailloux

Anne Cailloux (335)

Depuis ma naissance, je fus autodidacte et trop rêveuse.Spécialiste dans l'art thérapie et les maladies neurodégénératives, j’essaie de retenir le temps des autres et du mien.. Quelques diplômes, une passion pour l'art et les poètes. J'ose dormir avec Baudelaire.Je suis une obsédée textuelle . Je peins, je crée et maintenant j’écris. Je remets cent fois mon ouvrage pour me corriger. De quinze fautes par lignes je suis passée à quinze lignes pour une faute... Deux livres en préparation et peut-être un recueil de poèmes, si Dieu veut.Anne
Je suis une junky des mots..

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9 Commentaires
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Invité
9 décembre 2018 17 h 19 min

Merci Anne de parler d’elles, elles sont partagées entre nécessité et souffrance entre dégradation et incompréhension, bel hommage touchant et émouvant bravo
Douce soirée
Mes amitiés
Bises
Fattoum.

Invité
9 décembre 2018 15 h 58 min

Les prostituées sont des femmes qui aiment et qui souffrent comme toutes les autres, je leur rends hommage, qui peut jeter la pierre sans se regarder dans une glace.

Christian Satgé
Membre
9 décembre 2018 15 h 54 min

Bel hommage aux fleur de bitume que le mépris social rabaisse à un rang qui n’est pas le leur depuis si longtemps. Il est bon ed rendre sa dignité à ses victimes que d’aucuns prétendent coupables et vénales quand elles ne sont, hélas, souvent, que vénériennes.