Il n’y a plus d’enfants – Christian Satgé

Il n’y a plus d’enfants,
Ni d’gamins, ni de mômes,
Faisant d’rien un royaume
Des plus ébouriffants,
Plus d’bourgeons ni d’p’tits bonhommes…
 
Où est la marmaill’ en cal’çon,
Insoucieux petiots, enfançons,
Petits bouts pas plus gros que pouce,
Fanfarons n’amassant pas mousse,
Sur qui on fit tant de chansons ?
Ces têtes blondes, brun’ ou rousses,
Tour à tour p’tits diables gaillards
Ou bien petits anges braillards, 
Moustiqu’ à la tendre frimousse  ?!
Il n’y a plus d’enfants,
Ni d’marmousets, ni d’drôles
Se donnant le beau rôle
De héros triomphant
Promettant tout méchant aux geôles…
Où sont galapiats et mouflets,
Moutards et chasseurs à siffler,
Plus insolents que jeunes pages ?
Sont-ils désormais d’un autre âge
Comme le duel, le soufflet ?
Où sont minots pas toujours sages,
Lardons, garnements, rejetons,
Pichouns, loupiots ou marmitons
Tout en esbroufe et abattage ?
Il n’y a plus d’enfants,
Ni d’polissons, ni d’chiares
Et qui caus’ et qui tcharent
En dormant, en bouffant,
Mais que jamais on ne rembarre…
 
 
Où sont passés les p’tits poulbots
Tout crottés mais qui portaient beau ? 
Les titis vauriens, les gavroches
Avec leurs casquet’, leurs galoches ?
Ils n’craignaient ni pleurs, ni bobos,
La tête plus dure que roche ;
Z’étaient de ces poulots, d’ces marmots
Séraphins qui s’envol’, d’un mot,
Dès qu’un perdreau perdu s’approche…
Il n’y a plus d’enfants,
Ni d’morpions, ni de cancres
Dont les rêv’ jettent l’ancre
Sous un soleil chauffant
Des palmiers que le vent échancre…
 
Où sont fripons sautes-ruissseau
Plus benêts ou niais que sots ?
Ces chenapans qui se gobergent,
Chassant demain de leur gamberge ?
Jésus, lascars et jouvenceaux
Se mêlant au gibier d’auberge ?
Ces gommeux, vrais petits merdeux,
Jouaient les morveux comm’ pas deux ;
Oui, des chérubins de douz’ berges !
 
Il n’y a plus d’enfants,
Ni d’galopins, ni d’mioches
Pour te faire les poches
Avec des yeux de faon
Qui, vite, éteignent tout reproche…
 
Où est l’sacripant, l’pierrot,
Le déluré godelureau ?
L’gosse morguant la jouvencelle,
L’goujat boutonneux qu’ell’ muselle ?
Où est l’mirliflore faraud,
Le dadais à grosses bretelles,
Le nigaud encore blanc-bec ?
 Et l’béjaune jouant au mec,
L’œil noir et la lippe cruelle ?
 
Il n’y a plus d’enfants,
Ni d’bambins, ni d’potaches,
Les doigts tout pleins de taches
Et l’pantalon bouffant,
Jouant, bravaches, les Apaches…
.
© Christian Satgé – Septembre 2011 (Photo J. Dosineau)

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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4 Commentaires
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Marie Combernoux
Membre
17 août 2018 18 h 27 min

oui Christian ! bravo pour cette ode à l’enfance perdue ! les enfants deviennent trop vite des adultes sans rêves avec leurs portables, ils puisent des modèles tout faits, leur imagination est en perte de vitesse, ils se contentent de “clichés” trouvés sur internet (dont je suis adepte, mais j’ai eu un passé longtemps sans ordinateur) et ne montent plus aux arbres, ne jouent plus aux jeux qui nous faisaient courir, rire, faire des bêtises ! c’est comme ça ! on a changé de siècle ! tout va très vite ! on les initie trop tôt aux problèmes des adultes, qui ceci dit en ont de plus en plus !

Amitiés

MARIE

Eric de La Brume
Membre
16 août 2018 9 h 22 min

Quelle belle volée de mots! Une vraie encyclopédie! Il n’y a plus d’enfants; c’est bien vrai! A force de vouloir les prendre pour des adultes. Ça me plaît bien tout ça!