Eté 1950…souvenirs d’enfance: les moissons
C’est la belle saison aux couleurs flamboyantes,
Le soleil dans sa forge redouble de vigueur,
Et ses rayons jaunissent les plaines verdoyantes,
Les grenouilles se lamentent sous les saules pleureurs!
Au loin les moissonneurs sont en bras de chemise,
La faux entre leurs mains siffle comme un serpent,
Les femmes lient les gerbes, à des meules promises,
Qu’elles érigent en chaumines coiffées de toits pimpants!
Il fait chaud, et les vaches broutent dans l’herbe rare,
Tandis que les grillons stridulent leur beau chant,
Les taureaux assoiffés s’abreuvent dans les mares,
Puis roulent des yeux terribles vers les soleils couchants!
Le ciel est de feu et la terre est de flamme,
On dirait qu’une guerre a dévasté la plaine,
Ni gagnant ni perdant, ici pas d’oriflamme,
Seule la cloche d’Angélus entonne sa rengaine!
Hommes et femmes debout débitent des prières
La tête bien penchée, telle tableau de Millet,
Egrainent le rosaire sur leur dur cœur de pierre,
Tandis que les oiseaux picorent du millet!
Les paysans se mettent à l’ombre des chaumines,
Sortent de leurs panier: saucisson, lard et tommes,
Qu’ils mangent avidement car la grand faim les mine,
Puis, boivent la piquette et font un petit somme!
Et le rêve les emporte en des contrées lointaines,
Où la vie semblerait plus douce que du coton,
Où ils s’abreuveraient à de claires fontaines,
Où ils ne craindraient plus les retours de bâton!
Mais le réveil est dur pour ces gens de misère!
Qui suent abondamment sous leur chapeau de paille
Puis s’épongent le front aux rides séculaires
Comme on s’essuie les lèvres quand on a fait ripaille!
Bientôt des chars à bœufs porteront la moisson
Dans la cour de la ferme où attend la batteuse,
Et l’engin à moteur déliera grain et son,
Dans un grand hurlement de soupapes rageuses!
Parfois les courroies sautent et cinglent comme un fouet,
On arrête la machine qui tousse et suffoque
Les lanières sont remises par un gars enroué,
Qui sue de tous ses pores dans sa chemise en loques!
Les hommes agacés, souvent s’essuient les yeux
Car des nues de poussières partout les environnent,
Et ils toussent et ils grognent de ce mal pernicieux
Tandis que l’approvisionneur, tout bas ronchonne!
On montera bientôt le blé dans le fenil
Par une échelle roide aux barreaux incertains
Les sacs bien trop lourds pour l’épaule fragile
Seront portés par des hommes forts comme l’airain!
La provende mise au sec rassure les paysans,
Au banquet plantureux maintenant ils s’adonnent,
Avalant goulument des cuisses de faisans,
Et les marmots s’allaitent au sien mou des matrones!
Les hommes enfin repus sortent en titubant
Après avoir usé de la dive bouteille,
Ivres et fatigués ils s’assoient sur un banc
Les lèvres violacées par le jus de la treille!
Après avoir desservi la table sur tréteaux
Les femmes balaient la cour au balai en genêt,
Car demain elle devront encor se lever tôt
Et laisser en désordre, par fierté les gênaient!
Le son récupéré nourrira les cochons,
Et, parmi les éteules où se courbent les glaneuses,
Les épis oubliés gonflent les baluchons,
Redonnant le sourire aux femmes laborieuses!
Mon père a bien connu ces campagnards travaux,
Qu’il a dû accomplir dès l’âge de douze ans,
Car il était râblé et fort comme un taureau,
Ses muscles frissonnaient tels ceux d’un alezan!
Ces vers je les lui offre sur son chiche tombeau,
Car il doit regretter son travail de jeunesse
Celui qui ennoblit telle couronne ou flambeau,
Eclairant sa belle âme débordant de tendresse!
Ancienne batteuse
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©Daniel Marcellin-gros – 14/08/2018
Bravo Daniel super beau partage qui nous décrit merveilleusement bien et avec beaucoup de sincérité un magique et délicieux tableau de la période des moissons où tous les agriculteurs sont solidaires et joyeux merci.
Belle continuation
Belle journée
Mes amitiés
Fattoum
Merci Daniel pour cette petit photo couleur sépia qui me rappelle plus qu’une dizaine d’années plus tard, les plus humbles des paysans de mon coin de campagne – habitude ou manque d’argent – en étaient encore à moissonner ainsi alors que la modernité les assaillait et contraignait plus d’un à trouver emploi ailleurs…Merci pour ce pan de vie retrouvée.