Dis pourquoi ? – Véronique Monsigny

DIS MOI POURQUOI ?

 

Indignez-vous nous dit-on !  Qu’est-ce que l’indignation sinon une forme édulcorée de  révolte, une violence civilisée, raisonnable.  Moi je ne sais pas me mettre « utilement» en colère. C’est un sentiment que je tente de refouler,  par éducation bien sur, mais aussi par peur de la violence qu’il pourrait libérer en moi et chez les autres. N’est-ce pas le principe de la non-violence : ne pas ajouter de la violence à la violence que l’on nous fait ? Enfant on vous apprend  à rester poli, à ne pas choquer, à ne pas peiner… c’est en tout cas l’éducation que j’ai reçue et que j’ai transmise à mes enfants. Alors, la colère, la révolte c’est pour moi « diabolique ».

L’indignation bien sur est beaucoup plus civilisée, mais je me méfie des mouvements collectifs. Peut-on s’indigner tous pour la même chose  au même moment ? Il me semble que l’indignation doit être un mouvement du cœur plus que de la tête et donc rester un sentiment spontané et individuel. Les révoltes collectives, les manifestations publiques ont toujours pour origine une forme d’utilisation des masses par quelques uns pour servir une idée, une  récupération des affectes individuels pour des causes que  peu connaissent réellement. Mais cela ne nous empêche pas de poser des questions dont la formulation, en tout cas, fera intervenir notre  raison.

Alors voici quelques questions que je me pose et que j’aimerais poser à ceux qui ont le pouvoir de faire des choix et de proposer des renoncements et des limites à nos désirs, à notre droit sacré au bonheur individuel.

Pourquoi dépensez-vous tant d’énergie à nous créer des besoins au point de noyer nos envies, tandis que tant de personnes de par le monde tentent de survivre, de satisfaire leurs besoins vitaux ?

Pourquoi sommes nous gaver de nourriture et d’informations quand d’autres en sont privés au point d’en mourir physiquement ou moralement.

Pourquoi revendiquons-nous le droit d’accéder à nos moindre désirs sans que l’on nous dise que ces désirs ne sont pas toujours ni légitimes ni bénéfiques pour nous ?

Pourquoi vivons nous comme des enfants-rois, nous qui prétendons être à la pointe de la civilisation, tandis que l’on traite  des enfants de six ans comme des adultes sans droits et sans désir ?

Pourquoi négligeons-nous autant cette nature que nous accueille  durant des temps de loisirs toujours plus importants ?

Pourquoi sommes-nous si émus par les images d’un tiers monde condamné et ignorons nous, dans le même temps, nos parents, voisins et tous ces gens  qui sont exclus de nos enjeux ?

Pourquoi privons-nous nos enfants de leur enfance en leur imposant une compétition scolaire et culturelle qui les angoisse et laisse les plus faibles sur la touche, tandis que leurs parents, adolescents attardés, refusent de devenir adultes, de devenir parents ?

Pourquoi certains succombent-ils au burn-out à force de surcharge de travail et de responsabilités tandis que d’autres sont au chômage ?

Pourquoi  récompense-t-on le capital plutôt que le travail alors qu’il suffirait peut-être que le travail soit mieux partagé pour que le capital le soit aussi…

Pourquoi  ceux qui  prennent soin de l’humain sont-elles si mal considérés, si mal rémunérés ? Infirmières, professeurs, éducateurs, pompiers et urgentistes, tant de métiers qui font appel au meilleur de l’homme et qui devraient être réservés aux meilleurs d’entre nous. La plupart des carences sociales sont aujourd’hui abandonnées aux associations, elles-mêmes dépendantes de bénévoles plein de bonnes volontés et d’humanité. Mais pourquoi ne crée-t-on pas des emplois rémunérés à leur juste valeur, occupés par des personnes formées correctement et reconnues ? Le bénévolat est aujourd’hui la bonne conscience d’une société qui prétend s’occuper des plus faibles sans s’en donner les moyens parce que ce n’est pas rentable. Les « mesures sociales » ont remplacé les solidarités familiales et de voisinage.

Je pourrais multiplier à l’infini les questions mais je voudrais terminer par le désir de vie. Pourquoi s’ingénie-t-on à développer nos envies de mort plutôt que nos désirs de vivre ? La nature dans sa Sagesse à donner à l’homme et la femme cet  instinct de vie qui nous pousse à quitter notre  terre intime pour partir à la conquête de l’inconnu et féconder des lieux nouveaux. « Pour cela l’Homme quittera son père et sa mère… ». Cet instinct  de procréer joint au besoin  de sécurité ont été les fondements de la famille dans toutes les sociétés du globe.

Aujourd’hui, les jeunes ne se marient plus ou ne le restent pas longtemps. Il y a de plus en plus de célibataires qui choisissent  ce mode de vie, préférant voir beaucoup de monde sans jamais s’engager vraiment. L’enfant est devenu un produit que l’on veut acquérir à volonté et seulement quand on veut, au point que nombreux sont ceux qui portent  un nom qui n’est plus un prénom, mais un nom commun comme Mégane, Prune  et pourquoi pas Tarte…

C’est vrai qu’aimer est  un engagement : on est « responsable de ceux que l’on a apprivoisés » nous dit le renard de Saint Exupéry. Autrefois, on faisait beaucoup d’enfants pour lutter contre la mort. Aujourd’hui, on lutte contre la vie par la contraception et l’avortement.  Bien sur les progrès de la médecine et le contrôle de la natalité sont des grands bienfaits de notre époque. Mais comme tout ce qui n’est pas rares ou menacés, la vie devient méprisée, ignorée.

De la naissance à la mort, on prévoit le droit de mourir ou de tuer, mais en ignorant que ce faisant, on refuse à certains la dignité de vivre.

La boucle est bouclée : en exigeant de commander à  la nature, aux animaux, à  la vie même, nous perdons le respect  de ce que nous maitrisons. Comme si nous n’étions capables d’aimer que ce que nous craignons.

Aujourd’hui la nature se venge, les animaux nous empoisonnent, et la vie est remise en cause  par une législation qui répond davantage à la satisfaction de nos désirs qu’à la protection du bien commun et individuel. Nous ne voulons que des droits, mais refusons les devoirs. Mais bientôt, j’en suis sure, nous nous sentirons à nouveau menacés dans notre désir de vivre et nous retrouverons le respect d’une vie si précieuse  qui ne peut se maintenir que dans le respect d’un équilibre qu’elle seule a su créer et maintenir depuis l’origine.

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Véronique Monsigny

Véronique Monsigny (204)

J'ai commencé à écrire des poèmes à l'âge de 60 ans. Ce n'est pas moi qui les ai cherchés, ils se sont imposés à moi comme une bouffée d'air pur au moment de la retraite. Enfin laisser parler les mots qui dorment en moi !
J'ai lu Victor Hugo et Lamartine à l'adolescence, puis Aragon et Baudelaire un peu plus tard. Brassens a bercé mon enfance. Ils m'ont appris à rimer en alexandrins.
Le virus était en moi. Il y a sommeillé le temps de travailler, d'élever mes enfants, de taire mes maux pour mieux m'occuper de ceux des autres.
Et voilà le flot de mes rimes sur lesquels je navigue aujourd'hui, au gré des jours bons ou moins bons. Ils me bercent, ils m'apaisent... je vous en offre l'écume du jour.

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