Deux vieux oiseaux – Christian Satgé

Petite fable affable

Un compère Loriot plus chargé d’ans
Que de plumes, hélas, dans la ramée, jubile.
Autour de lui, et jusqu’à l’obsédant,
Des jeunes qui ne se font guère de bile
S’ébrouent et s’ébattent, tout en vains bruits
Et agitation, jusqu’à la nuit.

Un vieux hibou, qui fut jadis la dupe
De jupons et de jupes, le tance fort :
« Dis donc l’Impotent, te guette la dérupe,
Cacochyme comme tu l’es, le renfort
De gens de ton âge t’est lors nécessaire.

– Serai-je aussi décrépit que tes viscères ?
Répliqua l’autre. C’est grand soulagement
Et vrai bonheur pour moi que cette jeunesse
Turbulente et tous ses divertissements.
J’oublie tous mes maux et la faux patronnesse
Qui me guette. Les vieux sont trop saoulants :
Ils geignent et critiquent, brinquebalants.

– Les jeunes avec les jeunes !… Dame Nature
En a fait sa loi pour tous et pour chacun.

– Ne refusant pas ses dons en courbatures
Qu’elle me laisse ce plaisir, Importun !

– Aurais-tu de salaces penchants, Grand-père ?

– Moins que tu n’as de sales idées, Pépère ?

– Tout gamin nous doit servir et travailler
Pour nos retraites et non bâiller et brailler !

– Mais qu’ils chantent donc et qu’ils se divertissent ;
Surtout qu’ils restent gourmands au moins autant
Qu’habiles. Il se trouve si peu de solstices
Des premiers temps au dernier instant !
Leur jeunesse, Ami, m’éloigne de la tombe
Quand ta vieillesse est, las, catacombe ! »

 

© Christian Satgé – décembre 2020

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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