Des pommes pour le paumés – Christian Satgé

Petite fable affable sur des mots de Mark Twain

 

Dans notre verger, il est un pommier.

Un pommier prospère s’offrant au premier

Venu, qu’il soit un voyageur affamé

Ou un quelconque vagabond assoiffé.

Un aïeul le voulut ainsi. On a blâmé

Cette idée de l’église jusqu’au café.

Elle lui vint un jour d’hiver que passait,

Par laies et tortilles qui s’entrelaçaient

Chez nous pour gagner le bourg, un trimardeur.

Sans nul doute, un galvaudeux chassé d’ailleurs.

Tout œil ignorait la main de ce glandeur,

Toute porte restait close au grappilleur.

 

Notre Ancien prit en pitié son pas

Lent et las et lui offrit un repas.

L’errant s’ouvrit et lui conta sa vie :

Le maire de son hameau l’avait prou rossé

Tenant par trop à ses vieux souliers,

Notre besacier ayant fort bossé

Pour lui les voulant pour prix du métier.

De chez la veuve où il vivait, le curé,

Après, le fit chasser : il se figurait

Des amours illicites entre elle et lui,

Cette vieille-là qui, par charité,

Sachant sa vie d’épreuves, un jour de pluie,

Offrit contre travail pain et nuitées.

 

Depuis, il allait sans toit ni lieu

Ne goûtant chez l’homme, son pair, que l’odieux,

Ne suscitant chez la femme que l’horreur.

Puis laissant là ses jérémiades il dit :

« Pourquoi, cher bienfaiteur, n’avoir pas fait

Comme les autres au risque du discrédit

Ou de vous exposer à quelque méfait ?

 

– Parce que j’ai lu, acte désapprouvé,

Qu’à chaque fois, dans l’hiver comme l’été,

Faiblesse, imitation, qu’on se trouvait

À voir et penser comme majorité

De bonnes gens, sans espérer l’infléchir,

Il fallait prendre le temps… de réfléchir. »

 

© Christian Satgé – mai 2021

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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5 Commentaires
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Anne Cailloux
Membre
18 mai 2021 19 h 30 min

Faire la part des choses n’est pas si facile, quel chemin prendre..
changer d’avis ??
de vrais questions se posent Christian

Saber Lahmidi
Membre
17 mai 2021 8 h 09 min

Il est vrai qu’il faut réfléchir et réfléchir avant de prendre une décision, même si c’est simple.
Merci du partage cher Christian.