Cuistre est le pourceau – Christian Satgé

Petite fable affable

Un cochon, souillon par goût et, par paresse,
Idiot, prétendait tout savoir des beautés
Que Dame nature n’a ici-bas de cesse
De prodiguer à nos yeux tout envoûtés
Par la diversité de ses charmes et largesses.
Il préférait vautrer son corps gras dans la boue
D’un coin de pré vert dont il faisait sa bauge,
Se lever tard et se goinfrer sans tabou
De tout ce qui tombait, jour et nuit, dans son auge
Car tout lui faisait lard si c’était en gros bouts !

Il n’avait jamais vu les ors rougis de l’aube
Mais en causait comme un savant : en é-ru-dit !
S’il n’avait jamais vu cette heure où se dérobe
La nuit devant l’aurore il en avait tout dit…
Lui qui dormait, la nuit, du sommeil du gars probe
Il parlait des étoiles et de la voie lactée,
Dissertait sur les monts et les vaux ou les plaines.
Lui qui n’avait jamais, de sa vie, non, quitté
Son sale coin du groin ni de l’haleine,
De l’horizon et des lointains, il jactait.

Il avait lassé de la prairie tous les hôtes.
Une biche vint à passer pour paître auprès
De son enclos puant et l’entreprit. La faute !
« Quand on a vu tout ça une fois, l’intérêt
Né de la nouveauté, à jamais, on nous ôte.
Conclut notre porc dans un petit grognement.

Parce que chaque jour a ses propres merveilles
Fait alors la biche, sans un trépignement.
Le plus petit matin vaut mieux que sa veille…
C’est de la Nature le seul enseignement ! »

© Christian Satgé – novembre 2015

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Invité
10 janvier 2019 17 h 44 min

Je viens de lire le texte d’Anne qui remet un journaliste à sa place, alors les cuistres, même s’ils ne jettent pas l’eau propre, n’ont qu’à bien se tenir ! Peut-être que votre biche aussi avait lu Anne Cailloux !!! Bien sûr, je me suis délecté, puisque tout est bon dans le cochon ! Amicalement.

Invité
10 janvier 2019 12 h 47 min

Avoir mis en présence un cochon – cochon et orgueilleux – et une biche, bel animal raffiné, c’est futé et agréable à lire ! Merci Christian. A plus tard.