… Tous les héros de mes romans inachevés sont morts au champ d’honneur.
Ils ont laissé avec eux des souvenirs d’enfance et d’adolescence heureuse, avec un gout de pain, le coeur affolé par des courses folles près des champs de blé …
Avant de mourir, ravagés, ont ils eu ce brusque remu méninge qui vous fait en quelques secondes parcourir toute une vie ?
Je les ai tous jeté ces romans avec ces enfants de 17 à 30 ans, ces enfants blonds, bruns ou même roux, aux joues remplies de sang qui sont morts pendant la guerre de 14, la grande guerre comme on dit.
Il y en a un qui a été touché par une balle perdue, dans les tranchées, un soir de janvier.
Un autre a péri pulvérisé par un obus, en montant à l’attaque de l’ennemi, du boche, qu’il fallait bouté hors de France … Et puis, tant d’autres, innocents, tremblants de peur lorsque le lieutenant criait: “à l’assaut !” Certains n’étaient arrivés que depuis quelques jours sur le front…
… Dans le passé, je les avais jetés sur ces pages blanches, ces jeunes gens nommés Edouard Le Calvez, Gustave Kervern ou romain Loiseau. Ils venaient de Bretagne ou d’ailleurs. Edouard était originaire de Concarneau et il avait commencé la pêche très tôt avec son père. A 15 ans, il partait déjà plusieurs jours en mer, sans rentrer. Quand il est parti pour la Somme, il pensait que c’était comme une très longue campagne en mer et que, à coup sur, il rentrerait pas lavé, pas rasé, mais heureux, rempli de ce sentiment du devoir accompli…
… Tous ces héros d’un soir, morts au champ d’honneur … et pour ceux qui sont rentrés, il n’y a pas eu de cellule psychologique d’accompagnement, leur réconfort, parfois ou bien souvent, ils l’ont trouvé dans le tabac, l’alcool et le travail … Tout était à reconstruire.
©Laurent Vasicek
Très bel hommage à ses héros de 14-18, une époque qui n’a pas fini de dévoiler tous ses fantômes…
On n’oublie jamais les héros, encore moins quand ils se couchent sur le papier glacé qui devient par leur âme accostée un papier du cœur chaud comme les rayons d’un soleil d’été. Merci pour votre partage.