Petite fable affable
« Je n’ai ni haine ni honte à le dire
Même si ce cheptel aime à médire :
Je ne suis pas la pire du troupeau
Et je tiens autant qu’une autre à ma peau ! »
Ainsi donc béguetait une chevrette
Ayant trois poils au menton, l’air pauvrette.
« Oui, je me suis astreinte à la vertu,
Non sans sueur et, surtout, non sans peine :
Je me serais battue, j’en serai moins courbatue !
Et pour ce vice, je suis, dans l’histoire
La cornue et la bête expiatoire ?
Voilà, ma foi, qui est des plus tortus !
– Tu es la seule sans petit, ma fille,
Lui dit l’Aïeule allant mal sur sur ses quilles,
Donc un mauvais exemple pour tes sœurs.
Au boucher tu iras offrir ton cœur !
– Parce que je ne suis pas de ces pucelles
Qui vont au bouc comme on va à la selle,
Une jeunette aussi mal dégrossie
Que vite engrossée, c’est moi qu’on condamne ?
D’autres ici, sont inutiles aussi,
Les égorge-t-on de façon idoine ?
– Toi qui prêches avec tant d’ostentation
La modération parle sans passion ! »
Fait l’Ancêtre boiteuse aux yeux sardoines.
« La vieille bique ne peut, à l’enfant
Survivre qu’en mentant et en bluffant ?!
– Assez de rébellion et d’insolences !
Répond l’Ancienne. Tu feins l’innocence,
Rosière mal arrosée, mais pourtant
Que nous as-tu apporté, t’agitant ?
– Plus que tes rhumatismes et chimères :
Toi, tu n’es plus bonne que pour le couteau
De l’équarrisseur et le sais, ma mère,
Mais pour mourir il t’est toujours trop tôt…
J’ai appris, malgré toute ta faconde,
Que, seules, deux raisons en ce bas-monde
Nous font agir : une bonne… et la vraie ! »
© Christian Satgé – octobre 2015
Quand j’étais une petite fille que je suis toujours, “la petite chèvre de Monsieur Seguin me faisait pleurer, “ici je soutiens fermement cette jolie biquette pour ses répliques;toujours de belles fables et du talent Christian, meilleurs voeux.
Non mais !! elle a raison cette biquette, il est toujours trop tôt..
On va pas se laisser faire.
bravo Christian…
Anne
J’aime bien aussi les chèvres frondeuses comme toutes les frondeuses d’ailleurs ! Car il n’est (vous le dites si bien) que modération qui prêche sans passion. Alors, frondons dans les frondaisons et ne nous fondons pas dans les bas-fonds du politiquement correct ! Bon sang, on commence dur en 2019 !!!
Eh bien, moi j’aime l’histoire de cette petite chèvre qui veut vivre sa vie, contre toutes ! Merci Christian.