L – Mon papa, son Leïca et ses bovins
Comme vous le savez mon papa était photographe à Air France. Il aimait photographier sur le tarmac d’Orly toutes sortes d’oiseaux, surtout la jolie Caravelle, mais l’été, sa préférence allait vers les bovins. D’ailleurs il m’avait acheté une petite boîte cylindrique qui, lorsque je la secouais, lançait un grand « Meuuuuuuuuuuuuuuuuuuh ». On y croyait tellement qu’un jour au poste de Douane franco-suisse de la Chaux-de-fonds, j’ai secoué mon cylindre et aussitôt le douanier a demandé : « Pas d’animaux à déclarer ? ». Je n’oublierai jamais sa tête quand je lui ai montré mon cylindre et quand il a dit « Vous auriez pu cacher un chat, ou un chien… ». Un autre jour de vacances, en jouant au badminton, mon père rata le volant que j’avais lancé drôlement fort, si bien qu’il passa au dessus de sa tête et atterrit sur la langue d’une vache qui baillait juste derrière lui. Elle l’avala sans même le brouter. Elle avait comme un sourire à l’oeil en me voyant approcher.
Des vaches, j’aimais bien aussi leur clochette et leur cornes. C’est pourquoi mon papa m’avait acheté une corne qui fait un boucan du tonnerre quand on souffle dedans, et ma maman un clochette en m’interdisant de me l’accrocher autour du cou. Ce qui était bien avec ces jouets de vaches, c’est que l’on pouvait jouer des deux en même temps. C’était bien utile quand on passait à la douane avec une montre suisse cachée dans un gros pain et que le douanier posait un tas de questions à mes parents. Je n’avais qu’à souffler un long coup dans ma corne en agitant ma clochette pour que le douanier nous dise : « C’est bon vous pouvez circuler ».
Les vaches, j’aimais aussi les voir autour de la fruiterie. Dans le Jura c’est le nom de leur usine à fromage, rien à voir avec les fruits. D’ailleurs, mon père aimait photographier des scènes de traite dans les champs et même dans la montagne. Les bovins sont des modèles faciles car ils ne bougent pas pendant que mon père appuie sur le déclencheur de son Rolleiflex ou de son Leïca. Parfois, j’aimais passer sous les barbelés et m’approcher de ces animaux. Eux, ils n’ont même pas peur, mais c’est ma maman qui en avait toujours peur, surtout la fois où je me suis approché d’un taureau qui m’a poursuivi jusqu’au fil de fer barbelé tout rouillé qui m’a déchiré mon pantalon. Ma maman était tellement contente que je sois arrivé avant le taureau qu’elle ne m’a pas grondé pour mon pantalon.
Vous avez compris combien je m’amusais avec toutes ces bêtes à cornes et comme j’aimais taquiner mes parents à leur approche ! Cela faisait toujours de belles photos souvenirs inoubliables pour mon papa.
Quel plaisir d’imaginer le bonheur partagé entre père et enfant au contact de ces bons animaux!