À L’EAU LE CIEL – Cristian Satgé

Petite fable affable
Cette année-là fut inondé notre village,

Les pluies de printemps, abondantes, ayant duré.
On fit évacuer le bourg du plus jeune âge
Au plus grand. On s’y plia tous sans trop jurer
Ni ramer à l’exception du vieux curé,
Qui à l’aide des sapeurs préférait, fidèle
À sa foi, l’intercession d’un Dieu
Qui, pour leurre, pleurait sur l’Homme et l’asphodèle.
 
Seul devant le maître-autel, en orant, pieux
Comme une image sainte, il priait prou, à haute
Voix, et psalmodiait ses psaumes du mieux
Qu’il pouvait, de l’eau jusqu’aux chevilles, sans bottes.
Elle y croyait vraiment cette sacrée calotte !
Mais les sauveteurs, en barque, revinrent, quand c’est
À son torse que l’eau arriva. Ils le trouvèrent
Contrit, à genoux, en sa nef noyée. Insuccès !
 
« Du haut des Cieux, me sauvera Notre Père ! »
On revint quand, en chaire, montèrent les flots.
On l’y trouva, à plat ventre, son âme au calvaire,
Attendant encor’ le signe ou la main du très Haut
Qui le sauverait plutôt que ces humains en canot.
Confiant ou obtus, il mourut ensuite.
Il rejoignit les Élus, mais quand il parvint
Là-Haut, il fit au Barbu et à sa suite : 
« Pourquoi ne pas m’avoir tendu la main, ô mon Très Saint
Seigneur ?… Un geste un mot aurait suffi à faire 
Que je vous serve encore, en bas, entre hosties et vin ! 
 
Mais je l’ai fait, mon fils. Ne t’ai-je pas sur terre
Envoyé par trois fois, je crois, les pompiers ? 
En refusant, que cherchais-tu à expier ?
À moins que ce ne soit l’Orgueil, péché impardonnable,
Qui ait guidé ta Raison ? Sache qu’un divin
Secours prend, et depuis les premiers âges,
D’abord forme dans l’humain recours, cher devin ! »
© Christian Satgé – septembre 2020

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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