Le lauréat – Christian Satgé

Petite fable affable

Un bachelier n’aimait guère labourer
À ses épais opus qui vous sont les mamelles
De tous les savoirs, préférant échauffourées
À l’aride philosophie et, pêle-mêle,
Les mondanités aux saines Humanités,
Les filles publiques à la sèche rhétorique,…
Baillant attention et assiduité
Aux mots pratiques plus qu’aux maux théoriques.

À l’école de la Raison, il n’apprit
Nulle leçon allant de bordeaux en taverne,
Affairé tant et tant, arborant grand mépris
Pour tous les studieux, ermites en caverne.
Grande vie et petite vertu ainsi décorent
Au quotidien jeux et joies assurément.
Pourquoi donc tant fatiguer un esprit jeune encore ?
Il pourrait, las, s’user fort prématurément !

Il laissait tous les soins pénibles de l’étude
Au glaneurs de lauriers, ces vains lauréats
Impécunieux n’ayant pas sa latitude :
Il offrait, et sans compter, en alinéa
À ses copies de quoi huiler la conscience
De ses correcteurs, diplômés comme doyen.
Graisser le poignet à qui de droit est science
Toutes les fins justifiant quelques moyens.

Ainsi notre escholier eut par son jeu d’épices,
Bien plus que par la valeur de son labeur,
Un examen académique fort propice
À en faire un docteur, honoré du saint sceau
Du ministre, qui se sait sot paré d’un titre
Usurpé. Toujours, il réplique aux commensaux
Curieux de sonder ce cerveau de bélître :

« Pourquoi donc m’interroger plus avant :
Le parchemin ne fait-il pas le savant ? »

© Christian Satgé – octobre 2018

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Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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4 Commentaires
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Anne Cailloux
Membre
16 octobre 2018 20 h 19 min

Bien vrai morale, avec les mots où il faut
j’aurais pas fait mieux.Bravo Christian
tellement vrai !
Anne

Laurent Vasicek
Membre
16 octobre 2018 5 h 34 min

Toujours très bien … la langue est belle …le rythme aussi